LAURENCE RASTI
Laurence Rasti
Untitled, There are no homosexual in Iran, 2014-2016

D’origine iranienne de ses deux parents, Laurence Rasti grandit en Suisse où elle obtient un Bachelor en photographie à l’Ecal en 2014. Son “hybridation” culturelle l’amène à s’intéresser aux notions d’identité et aux codes de beauté. Elle s’imprègne des moeurs, souvent paradoxales, régies par ces deux cultures afin d’y confronter le pouvoir des sexes ainsi que la frontière entre féminin et masculin. 

Alors que l’homosexualité est illégale en Iran, son travail « Il n’y a pas d’homosexuel en Iran » offre une vision tendre de couples iraniens qui ont décidé de s’échapper vers une ville de transit en Turquie accueillant des centaines d’homosexuels. Le projet a été exposé dans de nombreuses expositions collectives telle que ReGeneration3 au Musée de l’Elysée

Actuellement, le projet est présenté à la Kunst(Zeug)Haus de Rapperswill avec l’exposition “Y’a pas le feu au lac”, et au Musée Benaki à Athènes à l’occasion du Athens photo festival jusqu’au 31 juillet. 

De quelle manière la notion d’UTOPIE est-elle présente dans ta pratique, approche et/ou stratégie artistique?

Laurence Rasti
Untitled, There are no homosexual in Iran, 2014-2016

Je n’ai jamais fait un lien direct entre la notion d’utopie et mon travail, alors que je réalise qu’elle est en fait centrale. Si j’en cherche la définition première, elle est la représentation d’une réalité idéale et sans défaut. Mon travail « Il n’y a pas d’homosexuels en Iran » dépeint la réalité de personnes à la recherche de cette utopie définie par un lieu qui, comme Thomas Moore le décrivait, organiserait la stricte égalité entre les êtres. Les sujets de mon travail quittent leur pays natal, l’Iran, avec l’espoir de rejoindre un pays où ils pourront vivre librement leur identité et leur amour.

L’utopie se comprend parfois comme la construction mentale d’un système ou d’un modèle idéal de société civile. Comment perçois-tu le rôle de la pratique créative dans ce contexte? Ou, dit d’une autre manière, penses-tu que le design peut changer la société?

L’art et le design ont toujours évolué avec la société et ses changements. A l’inverse de la politique qui impose ses actions, ils mettent à disposition de nouvelles visions. Libre ensuite à chacun de se les approprier ou de s’en écarter.

Leur force réside ainsi dans cette capacité à toucher plus subtilement et intimement nos vies. Je pense donc que le design, et plus globalement l’art, ont la capacité de changer notre société, certains de ses traits en tout cas. Ils proposent des concepts et idées avant-gardistes qui sont autant de modèles possibles sur lesquels s’appuyer pour construire les sociétés de demain.

Laurence Rasti
Untitled, There are no homosexual in Iran, 2014-2016

Où puises-tu ton inspiration? Ton travail et/ou ton état d’esprit sont-ils guidés par des références particulières?

Je m’intéresses avant tout à mes origines. Je suis née en Suisse mais de parents iraniens. Je ne connais donc l’Iran qu’à travers des voyages. Là-bas, j’ai été confronté très vite à des moeurs et des règles de conduite différentes de celles auxquelles j’ai été habituées. La photographie me permet de mettre en forme ces différences afin de me rapprocher de cette culture et de mieux la comprendre.

Je puise mon inspiration un peu partout, que ce soit dans les médias, l’éditorial ou dans les travaux plus artistiques. J’aime le fait de pouvoir construire un discours à travers une images esthétique tout en traitant des sujets socio-politiques. Si je devais donner deux noms d’artistes qui m’inspirent, ce serait le photographe de mode Guy Bourdin pour ses images d’une éclatante sobriété, et Alec Soth pour ses portraits d’une grande intimité.

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