ELODIE COLLET
William Watts
Cape au vent

Après son baccalauréat en arts et littérature en 2007, Elodie Collet entame une année de mise à Niveau en arts appliqués de Villefontaine. Cette année d’études a été révélatrice et décisive pour son orientation. Après un BTS de design de mode à Nîmes, elle intègre l’université de Lyon III où elle suit deux cursus en parallèle : lettres classiques et philosophie.

Longtemps tiraillée entre les lettres et le design, c’est dans le design de mode qu’elle trouve son équilibre. Le vêtement a quelque chose de très narratif. Sa passion pour le théâtre l’oriente vers le design de costumes pour la scène : elle lie ainsi ses deux passions en se penchant sur le texte pour comprendre et exprimer au mieux la psychologie des personnages qu’elle habille.

De quelle manière la notion d’UTOPIE est elle présente dans votre pratique, approche et/ou stratégie artistique?

Thomas Martin
Colin Maillard
Thomas Martin
Pivoines en cascade

Henry Michaux disait de l’habillement qu’il est “une conception de soi, qu’on porte sur soi”, une façon de se présenter, de se raconter au monde…
La narration tient une place primordiale dans mes collections. Mes créations racontent des histoires, au sens propre comme au figuré puisqu’on retrouve sur plusieurs pièces du texte brodé, texte qui évoque mes souvenirs d’enfance, source d’inspiration de cette collection.
Les vêtements au travers de leurs coupes, de leurs couleurs et de la façon dont ils sont mis en scène créent un vocabulaire, un langage qui dessine les contours un peu flous d’une histoire dans laquelle le spectateur n’a plus qu’à plonger. J’aime l’idée que cette histoire soit une histoire ouverte, qu’elle laisse la place à celui ou celle qui porte le vêtement de se l’approprier, d’y insérer son ressenti, son imagination, de raconter sa propre histoire…

L’Utopie se comprend parfois comme la construction mentale d’un système ou d’un modèle idéal de société civile. Comment perçois-tu le rôle de la pratique créative dans ce contexte? Ou, dit d’une autre manière, penses-tu que le design peut changer la société?

Lors d’un défilé j’ai été étonnée de voir que la robe/tablier fleurie de ma collection choquait certaines personnes, et ce parce qu’elle était portée par un homme. Étant féministe, travailler dans le domaine de la mode, qui plus est masculine, a soulevé beaucoup d’interrogations. Pourquoi en 2016 voir un homme en robe choque-t-il encore autant ? Pour quelles raisons les femmes peuvent-elles s’approprier des pièces du vestiaire masculin sans que cela ne choque plus mais que l’inverse semble toujours impossible ? Chez les oiseaux, ce sont les mâles qui arborent des couleurs flamboyantes. Chez l’humain plus l’homme grandit, vieillit, plus la palette de couleurs qui lui est “destinée” se restreint. Dans ma précédente collection “Why did they make birds so délicate and fine when the ocean can be so cruel ?” j’abordais le thème de la fragilité, notamment par le biais de broderies délicates sur des étoffes fluides et transparentes. Parmi les retours que j’ai eu, nombreux sont ceux qui m’ont demandé pourquoi je n’avais pas réalisé cette collection pour femme. Comme si parler de fragilité ne se conjuguait qu’au féminin… ou pire… comme s’il était incongru de parler des hommes en ces termes. “Cherry, Cherry” est une collection aux couleurs vives, lumineuses, faites d’imprimés fleuris et de broderies. Elle n’en est pas moins une collection pour homme. Je suis finalement heureuse que cette robe ait choqué. Elle a provoqué une émotion, suivie de réactions qui ont entrainent un débat important. Je pense que le travail du designer se situe en partie dans cette capacité à interroger l’autre, provoquer des conversations, l’ouvrir à de nouveaux points de vue…

Où puises-tu ton inspiration? Ton travail et/ou ton état d’esprit sont-ils guidés par des références particulières?

William Morris, Lucy Orta, Michel Pastoureau, Viktor Papanek, les 5.5 Designers … nombreux sont ceux qui influencent ma pensée et ma pratique du design. Paradoxalement, je pense que mes influences principales, en terme d’inspiration, se trouvent dans la littérature. Les livres m’entourent et m’accompagnent dans mon processus de designer. Ce sont de fantastiques compagnons créatifs, ils nous font découvrir de nouveaux horizons et d’autres champs émotifs qui trouvent écho dans nos vies. Quand je commence un projet, celui-ci est très souvent influencé par l’univers des livres que je lis dans le même temps. Parmi ceux qui m’ont le plus marqués et influencés je peux citer Ernest Hemingway, Romain Gary, Léon Tolstoï, Charles Bukowski, mais aussi est surtout Haruki Murakami.